Cours 2 -- Transformation Humaine ( 4 & 5 années)

[ Ce cours est ouvert aux 4 & 5 années ]

Minerva regardait ses notes, à son bureau, elle se leva rapidement pour voir l'heure sur l'immense horloge qui planait grâce à la magie au centre de sa salle de cours. Elle avait encore une bonne dizaine de minutes pour finir ce qu'elle avait commencé.
Elles se replongea dans les notes de ses élèves, et elle n'aimait pas ce qu'elle voyait. Le professeur qui attendait toujours l'excellence de ses élèves, avait peur pour le futur examen qui se profilait. La métamorphose était pour elle quelque chose de si simple qu'elle ne comprenait pas pourquoi ses petits sujets n'avaient pas d'excellents résultats.

* Je suis peut être pas assez sévère ? *

Mcgonagall regarda à nouveau l'horloge qui ne semblait pas prête à la laisser tranquille. L'heure avançait sans qu'elle puisse l'arrêter. Le cours de métamorphose des 4 & 5 années allait commencer. Elle agita sa baguette et la porte de sa classe se déverrouilla.
Minerva se leva pour se mettre devant son bureau pour attendre ses élèves. Elle affichait un air résigné et bien décidé à monter le niveau de ses cours pour endurcir leur jeune cervelle.
Elle repensa à son propre examen, quand elle avait passé ses B.U.S.E. Ce n'était pas facile à l'époque, elle était terrifiée et pensait avoir tout raté, pourtant elle était ici aujourd'hui. McGonagall voulait le meilleur pour ses élèves. Elles ne dormiraient donc plus avant la fin des résultats, comme toujours. Minerva était une femme anxieuse et elle aimait tellement les enfants.

* Plus on apprend, plus on grandit *

Le professeur de métamorphose agita sa baguette et le tableau s'illumina et une écrire magique marqua :

Transformation Humaine
Merci de preparer vos baguettes - elles doivent être impeccables
Travaux Pratiques - Trouver un partenaire
Tout cela en Silence

Son sac à bandoulière de cuir brun ballotant contre sa jambe, Adam s'avançait dans les couloirs, entouré de Gael et de Jim' – Jimmy, mais le pauvre garçon n'aimait pas son prénom et préférait le voir abréger que de supporter une voyelle supplémentaire à chaque interpellation – les yeux légèrement plissé derrière le verre de ses lunettes rectangulaires, subissant les assauts incessants des deux Serdaigles qui, loin de se douter de l'agacement qu'ils provoquaient en le préfet, n'avaient de cesse de le harceler de questions.

« Et tu penses qu'on va étudier les Animagus, cette année ?
- Je l'ignore, mais ça pourrait être intéressant de les étudier, en effet.
- Tu te rend compte, être Animagus... Ça doit être génial, qu'en penses-tu ?
- Oh oui, sûrement.
- Je me demandes en quoi je me transformerais si je devenais...
- Encore faudrait-il déjà que tu réussisse enfin à transformer une barrette en mille-pattes. » Coupa net Adam avec un sourire amusé et rieur qui retira à ses propos tout le venin. Gael qui jusqu'alors commentait sans réellement être entendu les propos de Jim', éclata d'un rire tandis que l'autre cédait avec un sourire entre la gêne et la honte.

Les joues rosies, il cessa ses sollicitations, au moment même où les trois Serdaigles arrivaient devant la porte de la salle de cours.
Le silence, enfin. Adam n'en avait plus profité depuis son entrée dans la salle commune des Bleu et Bronze. A peine avait-il posé le pied sur la moquette de la tour que les deux jeunes gens s'étaient tournés comme une même entité vers lui, réclamant son aide pour quelques révisions de dernières minutes qu'il avait esquivé d'un « J'aimerais bien vous aider, mais je n'ai pas encore petit déjeuner. Cessez de vous angoisser, préparez vous plutôt à retenir l'ensemble du cours plutôt que les lignes stériles d'un livre scolaire. ». Les deux camarades, compréhensifs, acquiescèrent mais forts de la réponse d'Adam, décidèrent de céder à l'appel du ventre plutôt que de l'intellect, ce dernier n'étant de toute façon même pas encore assez éveillé pour percer le sous-entendu soigneusement camouflé du préfet. Et avec le sourire, Audley avait dû supporter la présence à sa table des deux garçons.
Autant dire que, lorsque la sonnerie retenti, le préfet s'engouffra avec une rapidité féline dans la classe du professeur McGonagall, et sut disparaître dans la masse d'élèves le précédant avec tant d'aisance que le duo le perdit totalement de vue. La tolérance avait ses limites, et même Adam, dont le sourire semblait être imperturbable voyait à sa patience quelques frontières qu'il n'était pas recommandable de dépasser. Être entouré lui était plaisant lorsque l'envie se faisait ressentir et, loin d'apprécier les forcings, les individus sans retenue étaient pour Adam un poids d'une lourdeur intolérable. Et malgré tout, il n'aurait pas étonné le préfet d'entendre un jour que Gael et Jim' se considéraient comme des amis de leur préfet. Or, il n'en était bien évidemment rien et le plus délicat était de supporter les deux compères ou les esquiver alors qu'ils étaient dans la même classe, hélas, que lui. Chaque promotion avait, de toute façon, son lot de sujets au pathétique incommensurable.
Alors que l'ensemble de la classe s'installait sous l'œil d'aigle royal du professeur McGonagall, Adam posait délicatement à ses pieds son sac de cours qui contenait les deux manuels qui lui serviraient dans la matinée. Un regard au tableau lui indiqua qu'à ce cours-ci, le manuel de métamorphose ne lui serait aucunement nécessaire mais qu'en revanche, s'être installé à une table où la deuxième place était libre ne lui permettrait sûrement pas de choisir son partenaire en pratique. Autour de lui, les autres qui avaient lu les instructions murmuraient, enthousiastes, entraînant Adam à afficher un visage impassible tandis qu'il gardait une posture droite, quoi qu'appuyé avec plus de fermeté contre le dossier de sa chaise en signe quasiment invisible de sa résignation. Le destin ou la fatalité choisiraient pour lui, cette fois.

Deux adolescents se dirigeaient d’un pas traînant vers la salle de métamorphose, les visages serrés et penchés, un bras par-dessus l’épaule. Ils se confondaient curieusement avec les couples qui les dépassaient d’un pas plus vif, mais, une touche de sensualité manquait derrière le malaise palpable du plus petit garçon et la prudence des murmures chuchotés. Lilian Delcourt écoutait les propos de son compagnon avec une si profonde attention qu’il ne cessait de loucher sur les groupes d’élèves qu’il croisait, à l’affût semblait-t-il d’une nouvelle proie. Douglas, quatrième année connu de toute la salle commune pour son petit marché de farces et attrapes revisitées – parmi lesquels les célèbres frisbees mordeurs à tête chercheuse intégrée – avait feint de s’installer à ses côtés dans la grande salle pour entamer une discussion amicale afin de lui glisser une discrète demande d’entrevue avant le début des cours. Le préfet l’avait délibérément ignorée pour s’intéresser aux discussions plus animées de sa table, et les agrémenter de ces traits fins qui faisaient son succès. La réputation était une plante fragile à Serpentard. Il fallait la soigner chaque jour, la prévenir de la flétrissure, la laisser croître en étouffant celles dont les corolles s’épandaient. Il n’était pas question d’obtenir une jolie rose en accomplissant une belle action, susceptible de susciter durant quelques mois l’admiration, la reconnaissance de vos semblables. Les beautés les plus délicates ne sont pas éternelles, et ne peuvent jamais donner plus que ce qu’elles ont au sommet de leur gloire. Il fallait viser plus haut, envisager l’oppressante plante grimpante, ce fléau qui monte, s’étend, gagne du terrain en s’enracinant toujours plus profondément. Ses pairs devaient réclamer son opinion, s’y conformer en majorité – laissons les grands esprits libres pour des échanges plus construits et gagnons d’abord la masse – et s’adresser ainsi à lui dès qu’un coup particulier se préparait. Son titre rendait son approbation d’autant plus importante, et Douglas n’était pas assez stupides et borné pour l’ignorer. La politique de l’entraide marchait à merveille chez les verts et argents à partir du moment où chaque parti y trouvait ses avantages.

Vingt minutes avant le début des cours, le jeune Delcourt s’était brusquement levé, abandonnant un repas qu’il n’avait, selon ses habitudes alimentaires, pas entamé, pour régler, prétendait-il quelques « affaire personnelles » avant son prochain cours. Douglas, qui désespérait de recevoir enfin l’attention de son préfet, saisit le message, et il se redressa pour lui emboîter le pas, l’air naturel et digne. Celui-là ne se laisserait pas faire, il était donc intéressant d’obtenir ses faveurs. Lilian accédait presque toujours aux requêtes des bons éléments de sa maison. Il s’était ainsi constitué un petit cercle où chacun pouvait exercer sa spécialité sous son couvert, et la mettre à son service dès qu’il en avait besoin. Pour Douglas, sa décision était prise, il n’avait eu besoin que d’évaluer les dangers potentiels qui se cachaient derrière ses intentions. Il ne pouvait pas non plus donner son blanc-seing pour n’importe quelle facétie. Un certain ordre se devait d’être maintenu, et rien ne devait nuire à la réputation de Serpentard et menacer la vie des élèves, aussi dispensable fût-elle. Le reste de ses explications l’intéressait fort peu.
- … J’avais pensé à piéger la statue de Barney le Borgne mais ça me semblait un peu trop difficile à mettre en œuvre à cause de son orientation par rapport aux escaliers… Je pourrais évidemment ajouter de la moquette brûlante autour pour un résultat plus optimal mais le parti resterait risqué tandis que….
Quelques bribes lui parvenaient mais il n’écoutait plus depuis un petit temps, suivant d’une oreille distraite l’imbroglio de propos qui fusait d’un groupe à l’autre pour s’évanouir au tournant d’un couloir. Douglas était une personne de confiance, la ruse propre à la maison de Serpentard n’était pas un mythe chez lui, il savait comment piéger des élèves sans se faire prendre et sans laisser les situations dégénérer. Le préfet de Serdaigle venait de les croiser, encadré, de deux garçons à l’air abruti, qu’il avait déjà classé dans la catégorie de ceux qui parlent pour ne rien dire. Les lieux communs de leur ‘conversation’ le prouvaient une fois encore. Les animagi… Quel grand sujet ! Surtout si l’on restait au stade du « Et toi, quelle forme prendrais-tu ? ». Question qui avait l’avantage de laisser les nigauds se perdre joyeusement dans les méandres de leur esprit, et qui avait l’inconvénient de les faire revenir avec des « J’ai bien réfléchi et je pense que je serais… Parce que…. », riches en théories fumeuses et en analyses personnelles souvent erronées… En effet, ce type d’individu a généralement une plus haute opinion de lui-même qu’il ne le devrait. Adam avait l’air de beaucoup s’amuser, mais il lui semblait que ce garçon, pourtant charmant, était un véritable aimant à boulets. C’était même curieux étant donné la façon dont il les traitait…

Lilian fixait encore le trio quand une proposition de son camarade attira son attention.
- …Et à ce moment là tu pourrais faire une arrivée tout à faire inopinée et t’arranger pour leur faire perdre des points.
- Je pourrais oui…, dit-il après un moment de silence. Mais je verrais en temps voulu, si ton coup est réussi, tu m’offrirais une très jolie prise, dans le cas échéant, même si la perte des points reste tout à fait possible, je ne m’en mêlerais pas. Un raté reste un raté.
Douglas acquiesça la mine grave.
- En attendant je veillerai à ce que ton expédition de vendredi soir se passe bien, pour ce qui est de ta balle voleuse confisquée par Rusard je vais voir ce que je peux faire, mais je ne veux pas voir cette invention entre les mains de n’importe qui…
- Non non, juste en cas d’extrême utilité, je ne l’ai pas faite pour satisfaire des penchants cleptomanes.
- Les raisons m’importent peu, répliqua-t-il en haussant les épaules, évite juste les scandales, et ne me donne pas à penser que Rusard a eu raison.
Et, pour une fois, le vieux concierge avait certainement pris la bonne décision. On ne pouvait pas décemment laisser une balle capable d’aimanter les objets désirés par le lanceur et de les lui rapporter à la façon d’un boomerang dans les mains d’un élève… Mais Lilian ne songeait qu’à ses intérêts, Douglas était suffisamment intelligent pour ne pas l’utiliser à tort et à travers et, surtout, il aurait de quoi le faire chanter en cas de problème. L’important était de garder les sujets influents dans ses filets.

Sur ces entrefaites, il se sépara du quatrième année et se présenta en cours de métamorphose avec une avance surprenante pour un élève qui aimait attendre les dernières secondes avant d’entrer en classe. Le tableau annonçait le sujet du cours, cette année, ils s’intéresseraient enfin à la métamorphose humaine. Lilian abordait cette pratique sans appréhension particulière, sans atteindre l’excellence, il se débrouillait plutôt bien dans cette matière. Ce n’était qu’une question de concentration. Et Macgonagall était plutôt bonne pédagogue, il n’avait jamais eu à se plaindre d’elle, à l’inverse de certains de ses camarades qui, sous prétexte qu’elle fût directrice de Gryffondor, l’accablaient de tous les défauts du monde. Le jeune homme savait se départir de sa mauvaise foi dans ses jugements, et ce n’était pas parce qu’il sentait que ce professeur l’abordait avec un brin de réserve qu’il se permettrait de la décrédibiliser. Les verts et argents présents lui envoyèrent quelques signes pour l’inviter à se joindre à eux mais il ne répondit pas à leurs sollicitations, Adam était seul au deuxième rang, pour une fois, et la conversation surprise quelques minutes plus tôt avait éveillé son intérêt et sa malice. Il feignit donc de rejoindre ses pairs pour arriver derrière le Serdaigle, et, calquant sa voix sur celle de son cher camarade :

- Eh Adam ! Tu fais équipe avec moi ? Surtout que, j’ai bien réfléchi, et je crois que j’ai trouvé quel animal serait le plus susceptible d’illustrer l’incroyable profondeur de ma personnalité…

Il appuya ses mains sur le dossier de sa chaise en attendant sa réaction, un sourire moqueur arqué sur les lèvres.

Liliana adorait la métamorphose. Certes, ça ne l'empêchait pas de manquer de se retrouver en retard et de grimper les escaliers, un carnet de notes à la main qui se rédigeait tout seul sous sa baguette magique pointée, avec l'apparence d'une furie à l'emploi du temps trop chargé, ni de bousculer les gens trop lents sur son passage qui manquaient alors de dévaler en marche arrière et sur la tête les deux cents cinquante marches qu'ils avaient escaladé. Pas de problème, les autres passaient après une rédactrice en chef qui n'avait ni terminé l'édition du premier numéro de la Gazette ni formé son équipe et qui s'était à demi mise en retard à cause de ses préparatifs de dernières minute !
« Poussez vous, dégagez ! »
Ces agréables paroles formulées sur un ton des plus doux suivaient Liliana et formaient autour d'elle un périmètre respectable, lui permettant d'achever sa course jusqu'au quatrième étage en toute tranquillité. Il fallait dire que le cercle de sécurité s'était formé avec plus d'entrain autour d'elle lorsqu'elle avait envoyé valser un deuxième année qui avait été arrêté dans son vol improvisé par le réflexe d'un Gryffondor qui pour une raison inconnue avait gardé sa baguette magique en main. Le pauvre petit Serdaigle figé dans les airs sous les regards rieurs des Serpentard et choqués des autres Maisons, Liliana passa la dernière marche et prit quelques secondes pour reprendre son souffle. La jeune fille regarda sa montre et poussa un soupir exaspéré. Plus que deux minutes avant le début du cours. La jeune fille jeta un regard sur ses notes : une liste de sujets plus ou moins périmés et/ou remis à jour pour le journal, précédé d'une liste d'élèves susceptibles d'entrer prochainement dans l'équipe de rédaction permanente, les rangea dans la poche de sa robe en tentant d'oublier les inepties que sa baguette avait écrit à cause de son manque de concentration et se recomposa un visage avant de s'avancer d'un pas rapide et fier à travers les couloirs menant à la salle de cours. Ah, il était parfois éprouvant d'être une fille occupée !
La porte était encore ouverte et Liliana était sur le pas de la porte, en train de remettre une mèche de cheveux en place, lorsque les cloches sonnèrent le début du cours. Tout en saluant d'un sourire et d'un « Bonjour. » son professeur, Liliana jeta un regard au tableau tout en s'avançant à travers l'allée laissée entre deux rangées de tables. Elle fit quelques signes rapides aux élèves de Serpentard qui l'accostait discrètement et, lorsqu'elle eut repéré une proie esseulée, qui allait pour se trouver un partenaire, son index, impérieux, se brandit en sa direction.

« Toi, avec moi ! »

Le garçon désigné n'avait plus le choix, et d'un signe de main, Liliana l'invita à la rejoindre à la table encore vide qu'elle avait déniché au troisième rang.

La résignation. Ça n'était pas la patience angélique que la majorité lui prêtait qui était la cause de son - apparent - imperturbable calme, mais bien ce facteur caractéristique à l'être qui n'avait d'autre choix que d'accepter une fatalité bien que contraignante, indéniable. Il était au dessus de la majorité des élèves pour son intelligence, sa maturité et sa perception particulière du monde qui l'entourait et il le savait. Décalé, seul dans son univers, quelques part en marge de la communauté étudiante mais toujours installé au dessus d'eux, à veiller à ce que son masque de tranquille affabilité ne soit jamais brisé pour que chacun puisse continuer à le considérer comme une des personnalités les plus agréables de Poudlard tandis que lui continuait en paix son marché d'apprentis sorciers, s'entourant de ceux qui n'étaient jamais assez fort pour lui imposer une véritable présence, faisant mine d'accueillir les plus doués sans repousser les dégénérés. Adam Audley n'entrait pas dans la catégorie des gens « populaires », mais dans celle de ceux qui intriguent. Ceux qui le connaissaient lui tournaient autour sans jamais pouvoir percer l'aura d'étrangeté qui entourait sa personne, ni toucher du doigt le secret du caractère placide de l'adolescent. Ce qui était ignoré ne pouvait pas faire de mal. Et le propriétaire du secret pouvait continuer de se comporter comme si son unique Soi était la vitrine offerte au monde extérieur. S'ils savaient, en réalité, à quel point certains visages lui étaient devenus méprisables et quelles grimaces il se retenait de laisser s'égarer sur son si beau et fin visage à la vue de ces derniers... Prenez Gaël, il semblait avoir égaré les trois dernières lettres de « Sagesse » et avoir oublié, dans son parcours parmi les Bleu et bronze, le sens véritable du mot « Intelligence ». Il n'était pas un méchant garçon, mais qui pouvait prétendre la gentillesse comme autre chose qu'une valeur dite honorable par souci de respect envers la Morale Hypocrite qui régissait le Monde ? Celui qui oserait était comme ces deux pauvres garçons en mal de réelle force de caractère : un individu bon à jeter dans la fosse commune.
Là, niché au fond de ses réflexions, le jeune garçon au faciès souriant se rembrunissait, se flétrissait comme une fleur gorgée d'eau si bien que le regard qu'il leva en direction d'une voix reconnue comme exécrée avait perdu tout trace de fausse sympathie. Mais les deux onyx d'un noir aussi profond que celui d'un gouffre perdirent rapidement le fond de violence qu'elles renfermaient lorsqu'un tout autre visage que celui auquel Adam s'attendait se profila au dessus de lui. Les mains qui s'étaient accrochées au dossier de sa chaise et effleuraient son dos lui parurent doublement gênantes. Rien ne trahit son trouble, mais la surprise, elle, n'avait sûrement pas échappé au Serpentard qui attendait après sa réaction avec un sourire qui en disait assez sur la source d'inspiration de ses mots. Le regard du Bleu et Bronze se plissa, sa bouche à peine entrouverte se referma.

« Bien sûr, je serais ravit de partager avec toi l'incroyable découverte de la profondeur de ta personnalité. Mais je t'en prie, assieds-toi plutôt que de t'accrocher au dossier de ma chaise... Je crains trop de me noyer... »

Il remonta d'un index effilé la monture de ses lunettes sur l'arête de son nez et indiqua d'un geste de la main la place libre à côté de lui, non sans qu'un fin sourire furtif dessine un arc sur ses lèvres. On n'aurait put dire, en revanche, si ce dernier appuyait l'humour tranchant auquel il venait de se prêter ou le simple reflet de la tension soudaine que la vue de Lilian Delcourt s'adressant à lui avait occasionné. Pourquoi parmi tous les élèves disponibles et disposés à travailler avec lui avait-il fallut que la providence l'affuble d'un tel partenaire, l'unique personnage qui pouvait prétendre à intriguer l'intrigant Serdaigle ? Au moins, s'il avait put éviter d'entendre la nullité invétérée de ses deux « camarades »... mais non, et il fallait qu'à l'inverse de tout autre il s'impose à lui en jouant sur la situation de force qu'amenait avec elle la moquerie, rappelant ainsi à Adam pourquoi il s'était toujours contenté d'observer évoluer le célèbre Personnage en se gardant de l'approcher. Au moins pouvait-il se ravir d'une chose : le cours trouverait un second intérêt, aujourd'hui. Et il était débarrassé pour une heure entière des toutous de Serdaigle. Certes, cela ne lui garantissait pas une tranquillité absolue puisque Lilian serait durant cette heure entière son partenaire de travail, mais l'idée de sa présence était plus séduisante que celle de quiconque d'autre, il devait se l'avouer.

Le nom d’Adam Audlay flottait sur les lèvres, détrônait les meilleurs élèves depuis sa première année. D’abord garçon discret et peu remarqué, le Serdaigle avait très vite acquis sa petite notoriété au sein de sa Maison, où sont admirés plus volontiers les bons éléments. Lilian l’avait vu grandir doucement, gravir sur des marches opposées, les paliers qui menaient au succès discret des admirations muettes, des présences et attentions recherchées. Qu’était-il ? Une intelligence supérieure, semblable à celles que chaque génération peut se taguer de connaître ? Il y avait songé au début. Les portraits élogieux dressés par quelques camarades avaient fortifié cette désagréable impression de déjà-vu, de fanatisme vulgaire et injustifié. « Beau Sourire », disait-il par dérision, n’avait vraisemblablement pas d’exotisme à offrir, l’agréable finesse de ses traits n’y changeait rien. Mais son allure imperméable en toutes circonstances avait fini par le frapper tant elle concordait peu avec les émanations mystérieuses du personnage. Désorientée, sa logique s’était tournée vers la reine Observation. Adam n’avait rien du bon élève amène et humble, capable d’enregistrer toutes les données sans les étayer, et de plaire naturellement à travers sa modeste simplicité. Ce cliché parfait sonnait moins creux que chez les autres. Si la tourbe aveugle de Poudlard ne relevait rien pour s’enthousiasmer de ses prétendues étincelles spirituelles, le préfet de Serpentard éprouvait une attirance d’un tout autre registre. Sa curiosité embrassait le Serdaigle avec évidence depuis que celui-ci avait été nommé Préfet. Leurs pas frôlaient le même seuil, l’énigme persistait, et un désir nouveau, celui de la percer, s’éveillait.

Que trouverait-il ? Le savait-il ? S’en souciait-il ? Il jouait, comme toujours, et pouvait, à la manière d’un enfant, ravager tout un monde invisible en soulevant quelques pierres pour s’amuser un instant de ce qu’il avait découvert et provoqué. La déroute d’une société bien rangée, une nuée d’insectes affolés, un enchevêtrement agité de pensées troublées. Ses premiers propos se limitaient encore à la caresse agaçante d’une brindille. Il explorait patiemment le terrain, armé de son éternelle espièglerie, paré de son inaltérable sans-gêne. Montrer qu’il avait surpris une conversation à laquelle il n’avait pas été convié et s’en servir contre l’intéressé ne le dérangeait pas outre-mesure. C’était là sa technique d’approche habituelle. Lilian saisissait tout ce qui était à sa portée, surtout les mots, vite libérés, trop tôt égarés. Il n’y avait rien de tel pour surprendre et embarrasser ses futurs interlocuteurs. La réaction d’Adam, bien que légère, ne démentait pas ces cruelles lois. Une vague d’animosité avait causé quelques remous derrière l’impassibilité de ses sombres prunelles. La grande conversation de ses camarades Bleu et Bronze avait sapé sa belle affabilité. Aurait-il réussi à retrouver ses moyens si l’origine de sa brusque contrariété était celle redoutée ? Il esquissa un sourire ironique, presque victorieux, satisfait de son petit effet. S’il troublait le jeune homme sur un autre plan, il ne le réalisa pas. Il était encore trop tôt pour qu’il pousse son analyse plus loin. Il n’y pensait pas, ne cherchait qu’à accabler les fondations sa citadelle de glace. Il obéissait à ce qui ne semblait être qu’un coup de tête, comme il en avait tant, lui qui était marqué par une perpétuelle insatisfaction.

- Quelle aimable invitation Sir Audley, j’avais si peur de perdre pied, renvoya-t-il primesautier en se laissant tomber sur la chaise élégamment désignée.

La dernière réplique d’Adam, avait des airs de pique improvisée et, pourtant, elle semblait se draper d’ambiguïté. Ce manque de naturel palpable mais mal cadré en était encore la cause. Une voix lui soufflait que le Serdaigle aurait repoussé et ignoré une autre personne. Tout dans son comportement aurait mérité une indifférence exaspérée. Or, il lui avait rendu la pareille, chose qui le ravissait toujours lorsque des élans provocateurs le poussaient vers les gens. Adam s’était retenu, il se sentait à la fois plus fort et plus porté vers lui.

- Mais toi, tu ne crains rien, détaché derrière des simulacres de liens, tu serais remonté avant, susurra-t-il le regard pétillant tandis que MacGonagall annonçait les visées de l’exercice.
Il sentait peser sur lui son regard sévère, qui n’était jamais parvenu à l’intimider. Il connaissait les limites de la directrice de Gryffondor et savait jusqu’à quel point il pouvait se montrer insolent.
- Et tu aurais bien raison, je ne voudrais pas t’entrainer. D’ailleurs, je crois qu’il vaut mieux que je garde mes révélations pour moi.

Il se tut un instant, releva son visage vers le tableau avec un sérieux affecté et risible quand on avait saisi l’expression rieuse qui l’avait précédé. Il ressemblait à ses élèves pris en faute qui imaginent échapper à une punition en revêtant sans transition crédible une expression concernée. Lilian aimait le faire consciemment, pour braver la tolérance de ses professeurs, qui, coincés, regrettaient de ne pas l’avoir repris à l’ordre plus tôt.

- La vérité éclatera le jour où je serai animagus, dit-il soudain, léger, en tranchant à nouveau le discours de MacGonagall.

Puis il la laissa finir de apprendre que leurs partenaires devraient subir leurs premiers essais de métamophose humaine. Cela se limiterait à de petits changements. Il était plus simple de changer la couleur de peau d’une autre personne que la sienne lorsqu’on ne maîtrisait pas encore la métamorphose sans baguette. Par la suite, avait-elle ajouté pour les rassurer, opérer de grandes modifications sur une autre personne que soi demandait un niveau exceptionnellement avancé. Les tendances s’inversaient, et ce n’était pas plus mal. Loin des préoccupations blafardes de ses camarades, qui se dévisageaient à présent du coin de l’œil sans oser commencer quoi que ce soit, Lilian attrapa sa baguette pour la lisser avec affection du bout des doigts.

- En attendant il parait que je vais devoir exercer mes talents sur toi. J’ose espérer que tu feras un bon cobaye.

Ses yeux clairs se miroitèrent avec plus d’insistance dans les obsidiennes de son camarade. D’étranges promesses planaient, et les menaces étaient d’intangibles velléités. Il connaissait suffisamment le potentiel magique d’Adam pour se retenir de lui jouer un sale tour en plein cours.

Le dos d'une main ferme se posa soudainement sur le torse de la pauvre proie aux couleurs Serpentard qu'avait choisi de sacrifier Liliana Vanloock. Quelques dizaines de centimètres au dessus de cette main, un sourire calme et des yeux rieurs s'adressaient à l'élève de quatrième année. Pauvre gamin, ses yeux esseulés ne savaient plus où donner de la tête, ou plutôt de l'iris. Cela amusa quelque peu Edward, qui tapota amicalement l'épaule de l'élève de la Maison rivale à la sienne. Celui-ci, médusé, ne savait que répondre face au Préfet Gryffondor. Un coup d'oeil furtif permit d'ailleurs à l'élève de cinquième année de voir que cette rencontre inopinée avait eu son effet sur le parterre Serpentard, dont les jeunes pousses de quatrième année commençaient déjà à pouffer et à se moquer du gamin dans son dos. Et dire qu'Edward n'avait qu'un an de plus qu'eux... Il était bien content de son coup, mais décida d'y mettre un terme. De son menton, il désigna l'élève avec qui la victime de Vanloock aurait normalement dû s'acoquiner si cette fille ne l'avait pas appelé à elle.

" - C'est bon. Je m'en occupe. Retourne à ta place. C'était un ordre, n'importe qui aurait pu s'en apercevoir, et sans doute que le Serpentard s'en rendait compte, mais les douces tonalités et le sourire avenant qui enrobaient la voix ne purent résoudre le gamin à répliquer avec hostilité. Et encore eut-il fallu qu'il trouvât ses mots, ce qui n'était apparemment pas le cas. Il acquiesça donc avec automatisme, et fit demi-tour d'un pas rapide pour échapper à la fois à ce Gryffondor et aux quolibets de ces camarades, sans doute plus durs à ses oreilles que tous les ordres acerbes qu'aurait pu lui assener Vanloock pendant l'heure. C'était vers elle que se retournait à présent Edward. C'était vers elle qu'il se dirigea d'un pas tranquille et sûr, et c'était à côté d'elle qu'allait s'asseoir le jeune homme.

Lui même et son ami Caleb étaient arrivés à l'heure dite en classe, comme à leur habitude, mais avaient laissé passer les quatrième années ainsi que leurs collègues de cinquième. Edward ne doutait pas qu'on leur garderait une place, et c'était pour ça que lui et l'adolescent aux cheveux blonds ne s'étaient pas pressés outre mesure, et avaient pu continuer un peu leur discussion sur le remaniement de l'équipe de quidditch de la Maison auquel il faudrait opérer cette année. En effet, l'un de leurs meilleurs éléments était blessé, tandis que deux septième année de l'an dernier avaient naturellement quitté l'Ecole. Le jeune homme avait eu tout l'Eté pour y réfléchir, mais il reconnaissait aisément que son voyage en Inde, où l'on pratiquait la magie assez différemment d'ici, y mêlangeant sans problème la religion et la spiritualité, lui avait complètement fait oublié l'équipe. Les deux amis planchaient toujours là dessus quand ils avaient fait leur entrée en classe. Instinctivement, on leur avait laissé une table au second rang. C'était assez près pour pouvoir suivre aisément le cours et se manifester sans problème lorsqu'on le voulait, et pas trop non plus : il était notoire que le premier rang était soit réservé aux fayots et autres êtres méritant bien leur surnom alimentaire, soit à ceux qui ne trouvaient plus de place nul part. Edward s'était promptement dirigé vers la table qu'on lui avait plus ou moins réservé, saluant au passage nombre de têtes qu'il connaissait déjà et qu'il était ravi de retrouver une nouvelle fois dans sa classe, et même quelques nouvelles têtes, des gens qu'il n'avait jamais remarqué mais à qui il n'allait pas jeter la pierre pour cette broutille !

Alors qu'il s'installait confortablement - ou le plus possible au moins, sur ces sièges au bois mal dégrossi - un bruit affairé se fit entendre en provenance de la porte. Edward avait tourné rapidement la tête vers elle pour voir Liliana Vanloock entrer et chercher une table sans vraiment tenter d'être silencieuse. Un léger sourire avait tiré les lèvres de l'élève qui avait ainsi commenté l'arrivée impromptue et bruyante de la jeune blonde :
- Vanloock. Retiens bien ce nom Caleb, je ne serais pas étonné qu'on le retrouve en tête des Unes de Sorcière-hebdo dans quelques années...
Caleb avait ri à cette affirmation qui était un compliment sans en être un, et susurra à l'oreille de son ami :
- Beaucoup s'inquiètent de l'état de notre équipe. Ne crois-tu pas qu'il serait temps de redorer notre blason, de rassurer les esprits ?
Edward avait aussitôt tourné son regard bleu vers les yeux ambrés de son ami, ne comprenant pas le rapport de cette phrase avec la sienne. L'air malicieux de l'adolescent avait alors étiré un grand sourire sur les lèvres du préfet, qui enfin était parvenu à placer ses pensées en parallèle à celles de son compagnon.
- Pas bête Caleb, pas bête... A tout à l'heure. "

Et tout avait été dit. Edward avait récupéré ses affaires, s'était rapidement dirigé vers la table sur laquelle Vanloock avait jeté son dévolu, et avait alors intercepté le Serpentard obéissant. Et le voilà à présent qui esquissait un sourire qui dévoilait la plupart de ses dents blanches à la jeune fille blonde alors qu'il commençait à installer ses affaires sur son pupitre. De pure forme, il posa une question où se mêlait amusement et courtoisie guindée :
- Mademoiselle l'amatrice de Betty Tridgess me permettrait-elle de partager ce cours à ses côtés ?
Liliana n'était probablement pas sans savoir que Betty Tridgess était une grande rédactrice de La Gazette du Sorcier, du moins l'espérait-il...

Le charisme déroutant du jeune homme répliquant par de délicats remerciements était à son plus bel effet tandis qu'il se laissait prestement tomber sur la chaise aux côtés d'Adam, qui l'observait avec un intérêt assez vif pour faire étinceler légèrement ses sombres iris. Lilian était de ces rares personnages capables d'éveiller l'attention avec un naturel dérangeant et Audley n'y réchappait pas. Cependant, son regard se détourna pour se perdre en direction du tableau et alors qu'il ouvrait la bouche, l'acidité de sa répartie était parfaitement camouflée derrière le murmure velouté de sa voix.

« Je le conçois... L'océan de la Songerie est si vaste et profond. »

Le cours débutait, et le préfet de Serdaigle porta son attention sur le Professeur McGonagall, qui entonnait d'une voix raide le sujet du cours et des prochains exercices, mais ce semblant de concentration fondit bien vite alors que la voix de Lilian Delcourt venait à nouveau caresser son ouïe.
« Mais toi, tu ne crains rien, détaché derrière des simulacres de liens, tu serais remonté avant. »
Son regard coula de McGonagall jusqu'au jeune Delcourt. Une tranquille interrogation s'y lisait, alors que les propos du préfet des Vert et Argent l'avaient en fait laissé troublé. La déclaration était trop ambigüe pour laisser le jeune homme indifférent et une question bien dérangeante se mit déjà à trotter dans son esprit... Le Serpentard était sans équivoque d'une grande intelligence... mais qu'est-ce que cette dernière lui permettait d'interpréter ? C'était sans nul doute la personne la plus capable de sentir le masque dont il se paraît, et l'idée soudainement apparue à lui, qu'il puisse aller plus loin dans son analyse lui parut dangereuse. Laisser le préfet l'approcher n'était pas bon pour lui, encore moins pour sa réputation. Mais ses paroles ne formaient qu'une simple phrase, innocente, qui ne promettait aucune menace, et qui n'aurait guère plus de sens que celui qu'Adam lui donnerait.
« Et tu aurais bien raison, je ne voudrais pas t’entrainer. D’ailleurs, je crois qu’il vaut mieux que je garde mes révélations pour moi. »
Malgré sa réserve et les questionnements qu'avaient engendrés les premiers propos, un sourire amusé s'étira sur les lèvres du jeune homme. Sa stérilité coutumière était revenue, et d'un clignement d'yeux, il avait bannit Delcourt de son champ de vision. Son regard croisa celui, excédé, de la Directrice des Gryffondor, et un petit sourire d'excuse retint l'enseignante de reporter sa frustration sur lui tandis que Lilian arborait une mine concentrée digne d'un enfant prit en faute. Droit contre le dossier de sa chaise, l'adolescent tentait d'oublier son voisin et son comportement cocasse, mais c' était sans compter sur le talent de ce dernier pour se manifester aux moments les moins opportuns. Adam secoua faiblement la tête, arrêtant un soupir au bord de ses lèvres, tandis que le professeur McGonagall décidait d'ignorer le dernier chuchotement du préfet des Serpentard. Le verdict tomba. Les deux jeunes gens allait devoir chacun se lancer le sortilège Partem Coloris, afin de changer la couleur de leur peau, ou du moins une partie. Déjà, les esprit un instant auparavant curieux et assurés se flétrissaient autour d'eux, pour ne laisser qu'une ribambelle de faciès anxieux et hésitant. Adam quant à lui, attrapait sa baguette avec douceur, avant de se tourner vers Lilian qui l'apostropha en caressant le précieux bois de l'instrument.

« Habituellement, ça n'est pas le cobaye qui doit démontrer sa qualité, si ? »

Un sourire aussi dénué d'ambiguïté que celui de son partenaire laissait quant à lui planer étira les traits fins de son visage. Confiant envers ses propres compétences, les menaces laissées en suspens entre eux n'était que le simulacre d'un brouillard en comparaison au second sens qui, malgré lui, s'était insinué dans son esprit, et auquel le jeune homme se refusait à prêter crédit. Chose peu évidente, lorsque l'on avait ouïe de la réputation dont jouissait l'auteur des propos. Mais Adam, habile, rebondit avec un naturel excellemment feint, échappant en compagnie de son éternelle aménité et paré de son charmant sourire, aux mille interprétations offertes à lui.

« Mais sois sans crainte, je serais docile... et je pousse cette qualité jusqu'à te laisser l'honneur. »

[J'annonce la reprise des cours et du compte. Minerva a donc changé de posteur, et je rattrape comme je peux ce cours que les élèves ont tenté de poursuivre seuls =D]

Le regard aigu du professeur McGonagall évaluait la constitution de la classe qui prenait forme. Comme toujours lorsque des travaux d’équipe étaient demandés, les Serpentard faisaient bande à part, et les autres maisons se mélangeaient timidement, mais sans grande conviction. Deux alliances sortaient de l’ordinaire cependant. Edward Burvelle, qu’elle avait nommé préfet avec une certaine réserve – ce garçon avait trop de suffisance à son goût et semblait adhérer, selon les principes de sa famille, aux idées du Lord – venait d’approcher Liliana Vanloock, Serpentard qui tenait d’une main de maître la Gazette de l’école, mais dont les avis manquaient parfois d’objectivité. Pouvait-on le lui reprocher ? Chacun défendait sa maison et tant que l’insulte n’était pas clairement dirigée, tout le monde était dans son bon droit. Elle n’en gardait pas moins un souvenir amer de l’article publié propos de l’équipe de Gryffondor. Les pauvres rouge et or avaient été marqués par l’attaque du Stade, et il suffisait de voir la constitution de l’équipe de Serpentard pour comprendre ce qui leur inspirait un si grand stoïcisme. Ce ne serait qu’une question de temps. Une fois les esprits pansés, et ses sujets avaient suffisamment de forces pour se reprendre au plus vite, rien ne pourrait retenir la victoire de son équipe. Elle y tenait beaucoup.

Elle s’attarda un instant sur les deux enfants, redoutant un éventuel éclat, et comme aucun ne semblait disposé à ouvrir les hostilités, elle se tourna vers une source de chuchottis. Lilian Delcourt évidemment. Ce garçon était impossible, extrêmement difficile à gérer. Il savait jouer avec les limites de chaque professeur, envoyer d’imparables réparties et jouer sur les faux-semblants. Il lui avait toujours été impossible de le tancer sévèrement. Il était capable de lui en faire perdre l’envie dès qu’elle était sur le point de le punir. Que faisait-il avec Audley, l’élève modèle des cinquièmes années ? Delcourt n’était pas un Serpentard refermé sur sa maison, il aimait partager les tables des autres, mais il le faisait toujours dans le but plus ou moins avoué d’ennuyer son voisin… Et le flot de paroles qu’il déversait sur le Serdaigle, sans interruption alors qu’elle avait commencé son discours, semblait intégrer cette pénible fonction.

- Bonjour, comme je vous l’avais annoncé lors du cours précédent, nous aborderons cette année la métamorphose humaine, une pratique difficile, qui requerra concentration, application et d’assiduité. – Elle balaya sa classe d’un regard dur. - Attitude qui sera valable pour toutes les matières. Vous arrivez à un niveau où l’étude de la magie se complexifie. Ce qui implique des pratiques plus dangereuses, susceptibles de remettre en place assez brutalement ceux qui pensaient s’en sortir en se tournant les pouces. Votre Brevet Universel de Sorcellerie Elémentaire approche et, comme tous les ans, j’attends de mes élèves le plus grand sérieux.
Jusqu’à présent, vous avez appris à connaître et à transformer objets, animaux et végétaux. Si la maîtrise vous manque encore, je vous conseille fortement de reprendre vos exercices puisque cette année, vous devrez obtenir ces résultats sur des sujets humains. Ne me regardez pas de cette façon Miss Andrews, il ne vous sera évidemment pas demandé de vous transformer en buffet au bout de trois séances. Les métamorphoses totales ne concerneront que les élèves ayant obtenu un Effort Exceptionnel ou un Optimal à leurs B.U.S.E. C’est un minimum si nous voulons éviter les retards et les catastrophes.
Nous nous limiterons pour l’instant à la peau et, nous en aurons probablement jusqu’au mois de janvier. Vous comprendrez bientôt pourquoi.
Mais si cela peut vous rassurer, les métamorphoses sur votre propre personne attendront l’année prochaine. Les pratiques s’effectueront aujourd’hui, sur le partenaire que vous vous serez choisi, Oui, vous m’avez parfaitement comprise et vous pouvez retourner vous ennuyer dans votre bocal au lieu de jouer aux poissons hors de l’eau Monsieur Prendegast.
Je vous demande par conséquent la plus grande attention, reprit-elle, appuyée sur Delcourt, qui choisit ce moment précis pour tourner vers elle un visage des plus sage. Elle fronça les sourcils, mais, imperturbable : Et je vous déconseille fortement d’en profiter pour tester d’autres sortilèges sur votre camarade. L’exclusion de mon cours pourrait être directe et définitive.

Il y eut un lourd silence.

- Bien. Nous commencerons par le sortilège désormais bien connu du patrem coloris. Délimitez une zone, assez réduite et peu exposée – je ne veux voir personne pointer les visages – pour obtenir une teinte rosé comme celle-ci.
Elle remonta sa manche et fit changer la couleur de son bras, sous les regards impressionnés de la classe.
- Vous aurez une demie heure chacun. Si vous réussissez avant ce délai, il vous suffira de poster votre baguette sur le côté pour que je vienne évaluer vos résultats.

Delcourt avait encore trouvé le moyen de poser ses paroles sur les siennes, et Adam Audley, plus ‘raisonnable’, profita de la fin de ses explications pour lui envoyer la réplique. Minerva préféra observer et se taire, pour l’instant. Ces deux là étaient de bons élèves et elle préférait les voir motivés pour cet exercice qu’ils seraient peut-être les rares à réussir parfaitement avant la fin de cette séance. Et Lilian savait à quoi s’en tenir. S’il parlait à nouveau pendant ses interventions, il pouvait s’attendre à une soustraction doublées de points.

Les discours s’entrelaçaient et dissonaient. Contre l’ouïe du Serdaigle, reposaient des notes voilées d’une douce austérité. La voix de MacGonagall fendait l’air, sèche, directe, cassante, et Lilian soufflait une brise légère, sifflante, agaçante, faussement innocente. Ses modulations suaves, semblables aux vents discrets et captieux qui vous minent. Adam avait retrouvé sa fonction d’élève modèle. Il se taisait, écoutait, glissait de longs regards vers lui lorsque sa morsure le frôlait. Le Serpentard n’avait pas son pareil pour modeler le langage et former des phrases hermétiques, dont seul l’intéressé avait la clef. Au fond de ses prunelles limpides se mirait la portée de ses messages cachés. Il détenait une connaissance que les autres n’avaient pas, et il aimait la montrer, l’exhiber comme un trophée sous verre à travers ss iris azurées. Si Adam ne laissait rien paraître, il n’ignorait pas les débats intérieurs, la rafale de doutes, qu’il avait pu provoquer. Il les imaginait, et s’en délectait sournoisement. Son jeu était cruel. Si quelqu’un s’avisait de le retourner contre lui, il ne le supporterait pas mais, persuadé d’être imperméable, intouchable, Lilian ne l’envisageait pas. L’arme fatale était tournée vers ses interlocuteurs. Ses propos menaçants, ses regards compromettants l’y maintenaient fermement. Personne ne pouvait l’atteindre sans se blesser, et les lames se courbaient selon son bon plaisir. Avec le Serdaigle, l’exercice s’annonçait difficile. Les masques s’entrechoquaient, mais il savait qu’il pouvait fissurer le sien si ce n’est le briser. A force d’acharnement, les ouvrages trop lisses finissent toujours par céder.

Le professeur McGonagall se tut enfin, et une rumeur bourdonnante s’éleva, généralisée par l’incertitude et la peur. Un élève aimait, par définition, souligner le caractère démesuré des exercices qui s’écartaient du cadre habituel. Il pouvait ainsi s’étonner de réussir l’insurmontable, recueillir quelques acclamations et revendiquer un talent à la portée de tous. Sa baguette en main, Lilian se distinguait, comme souvent. Le doute était le premier pas vers l’échec. Et la Métamorphose lui réussissait plutôt bien. Il attendait depuis longtemps le travail sur des sujets humains. N’ouvrait-il pas d’amusantes possibilités ? Beaucoup d’histoires circulaient dans le monde des sorciers, à propos de personnes transformées contre leur gré en animal. Les anecdotes abondaient dans les faits divers de la Gazette, et les élèves aimaient se les rapporter au déjeuner, afin de détendre par quelques plaisanteries la tension d’une matinée scolaire. Son premier sujet était charmant, tout à fait à son goût… L’erreur ne lui était pas permise. Et, tandis qu’Adam lui lançait innocemment une remarque teintée de la plus belle ambigüité, le Serpentard lui adressa un regard oblique, arqué d’un sourire licencieux, qui donnait toute sa dimension à la portée de la question. Libre et impudique, Lilian ne laissait pas passer les doubles sens involontaires. Il aimait maintenir l’embarras des esprits réservés, les enliser dans un terrain qu’ils ne maîtrisaient pas. Son collègue préfet ne s’en tirerait pas d’une simple pirouette. L’occasion était trop belle. La partie pratique débutait, et il changeait de tactique.

- Oh vous êtes si galant…, souffla-t-il, rieur. Auriez-vous l’obligeance de me donner votre main.

D’un rond de poignet gracieux, il tendit sa main pour recueillir celle effilée de son partenaire. Il captura alors son regard, avec une insistance pétillante et dérangeante, et imposa àlsa paume du jeune homme la caresse légère de son index. Sa voix devenait profonde et suave.

- Ici… Ce serait un endroit tout à fait approprié pour débuter… qu’en penses-tu ?

Et, sans attendre de réponse à ce qui n’était qu’une malice de plus il rapprocha doucement la main de ses lèvres, la frôla à peine, pour susurrer, les yeux toujours rivés dans les siens :

- Ne t’inquiète pas, tout va bien se passer…

La matière de l’acariâtre directrice de Gryffondor prenait une tournure des plus sensuelle. Il tenait avec une douceur pleine de fermeté la main d’Adam, loin des hésitations maladroites de ses camarades. Le pouce appuyé sur sa paume, il abandonna son petit jeu pour se concentrer, décomposer les fibres de la peau, s’imprégner de sa chaleur, sentir les régulières pulsions sanguines. En métamorphose, il était important de mesurer chaque élément. Il ne fallait rien oublier, délimiter précisément la zone. Avec le temps, le contact n’était plus nécessaire, et Lilian maîtrisait suffisamment bien les transformations animales pour ne pas s’attarder. Une fois la technique saisie, tout reposait sur l’attention. L’épiderme devait rosir. Il se remémora la couleur du bras de MacGonagall, la posa mentalement sur la main d’Adam. L’exercice ne semblait pas compliqué. Il vit chaque petit pli se foncer, évoluer vers un pâle magenta. Sa baguette s’éleva, il murmura la formule, et sourit, satisfait, en examinant le résultat. Il semblait que la main de son partenaire s’était fondue dans le gant en caoutchouc d’une ménagère.

- Cette couleur devient-elle ? Dois-je m’occuper de l’autre main ? demanda-t-il un brin moqueur.

Qui aurait prêté trop d'attention aux échanges des deux jeunes hommes se serait retrouvé face à un dialogue parfaitement abscons. Hors, le sens véritable des mots était plus qu'évident pour qui savait entendre. Modéré, Adam jouait sur les faux-semblants avec bien plus d'innocuité que Lilian, dont chaque changement d'expression – prenez par exemple le sourire qui venait de hausser ses lèvres – était suggestif. Il était bien malaisé de ne pas trébucher dans les pièges à peine voilés du Serpentard, d'y rester parfaitement imperméable. L'exercice était d'autant plus ardu que Lilian ne se cachait pas et qu'il paraissait ainsi évident qu'une fois tombé dans un des gouffres creusés par ses mains expertes, il était difficile de s'en extraire. Heureusement pour lui, le Bleu et Bronze n'était pas aisément impressionnable, et c'est avec l'air de celui qui pense ne rien avoir à craindre, ni avoir à se soucier du comportement particulier de son vis-à-vis qu'il glissa sa main dans celle de Lilian, ses doigts atterrissant avec légèreté contre la peau de son poignet. Mais à la seconde où le contact physique eut lieu, ne pas ciller face aux iris océan devint une véritable épreuve... De ne pas ciller, et de ne pas s'y noyer. La caresse de l'index contre sa paume, la voix suave le troublèrent assez pour que son pouls, l'espace d'une seconde, change de rythme et lui-même en fut le premier étonné. Delcourt passait son temps à s'amuser par ce genre de stratagèmes, il s'y attendait, mais il était apparemment impossible de se préparer aux malices de l'épicurien Serpentard. Sa bouche s'assécha lorsqu'il vit sa main s'approcher des lèvres de Lilian et malgré ses efforts pour rester parfaitement stoïque, Adam ne put s'empêcher de se soustraire furtivement au regard braqué dans sa direction, cherchant dans la salle quelque visage témoin de la scène. La situation était compromettante. Imaginez qu'un quelconque élève s'aperçoive du geste qu'avait eu l'illustre Vert et Argent, c'était la bonne réputation d'Adam qui partait en poussière et pour cela, sa gêne s'en trouvait doublée. Sa main tressaillit, comme si elle cherchait à s'échapper de la caresse de ses lèvres, mais rien qu'un instant seulement. La menace que représentaient les rumeurs les plus viles était assez conséquente aux yeux du jeune homme pour lui rendre le calme adéquat lui permettant de planter à nouveau ses yeux dans ceux de son partenaire, et d'abaisser avec une douce fermeté leur main loin de son visage tout en faisant mine de ne pas avoir entendu ses paroles pourtant parfaitement audibles.

« Je suis impatient de voir ce dont tu es capable. »

Malgré un sourire des plus charmants, Adam avait parlé avec une touche de froideur, comptant sur cette dernière pour retirer à Delcourt l'envie de tourner vers lui un quelconque regard lubrique, mais pas assez cependant pour ne pas ajouter, à la seconde suivante :

« On raconte que tu n'es pas dépourvu de talent, en Métamorphose. »

Son regard glissa jusqu'au dos de sa main, étincelant d'un mélange d'intérêt et de curiosité pour ce qui allait se produire alors que la baguette de Lilian effleurait sa peau. Au terme de quelques secondes, celle-ci normalement d'une teinte similaire à celle de la porcelaine se mit à foncer faiblement, fibre par fibre, jusqu'à ce qu'une couleur d'un rose semblable à celle d'une sucrerie ne l'ait recouverte jusqu'au bout des doigts. Une expression de ravissement éclaira son visage tandis qu'il relevait ses doigts au niveau de son visage, les agitant avec intérêt comme s'il s'agissait de l'aboutissement d'une expérience particulièrement fascinante. Réussir du premier coup une métamorphose nouvellement enseignée démontrait un véritable talent et, s'il n'avait pas imaginé Delcourt échouer lamentablement, il ne s'était pas attendu à cette rare habileté. Lilian savait-il qu'il venait de hausser d'un cran la curiosité de son interlocuteur ? Toujours était-il qu'il savait ce dont il était capable, et qu'il n'hésitait pas, l'air de rien, à s'en vanter. Un sourire lui fut rendu pour toute réponse, et tandis qu'Adam délaissait son membre magiquement teint, il prit une mine pensive avant d'ajouter avec réserve :

« Tes camarades de Maison ne te surestiment apparemment pas... Mais je dois t'avouer que j'aurais imaginé une couleur un peu plus... séduisante pour l'œil, peut-être ?... »

Un petit sourire rieur au coin des lèvres, il enroula ses doigts autour du poignet du Serpentard et tourna délicatement sa main afin de pouvoir poser la pointe de sa baguette contre sa paume. Faire mieux que le préfet des Vert et Argent était tâche quasi impossible, puisque le résultat serait identique, mais l'envie de se démarquer s'était éveillée, motivée par la prouesse dont il avait été témoin, enflammée par le regard qui était posé sur lui et qui attendait de le voir à l'œuvre. Une dernière fois, Audley releva ses yeux d'un noir profond dans ceux de Delcourt.

« Je crois que c'est à mon tour... Puis, reposant son regard sur la paume du préfet et fronçant légèrement les sourcils, Je pense que la couleur bonbon est une teinte bien trop vulgaire pour un gentleman de votre classe, vous ne pensez pas ? »

Il eut un rire court, puis, assuré que ses doigts tenaient fermement en place la main de Lilian, empêchant par la même occasion tout effleurement volontaire de sa part, le Bleu et Bronze vida son esprit de ses préoccupations actuelles, de son désir soudain de se révéler aussi doué que son camarade d'exercice pour se concentrer sur la toile merveilleusement tissée de peau qui s'étendait sous ses yeux, ses pores, ses empreintes, l'organe vivant qu'elle représentait, et qui était alors par définition détériorable, modulable... Bientôt, alors qu'Adam venait de souffler la formule, un changement très léger s'opéra. La peau sembla bleuir, ou plus précisément se strier. En réalité, un bleu royal inondait les lignes de vie du Serpentard, s'écoulant à la vitesse tempétueuse d'une rivière précipitée par un barrage venant de s'effondrer et lorsque le sortilège eu recouvert les sillons de sa paume, un raz-de-marée finit d'inonder sa main d'éméraldine.

« Ceci est plus... princier ! »

L'exercice ne lui avait pas été difficile. D'ailleurs, le Serdaigle était déjà parvenu à maîtriser le sortilège avant qu'il n'ait été présenté en cours, comme la plupart des travaux pratiques qui leur était demandés, prenant un plaisir quelque peu orgueilleux à dépasser les autres, à ne jamais échouer publiquement. Et la simple satisfaction de cet pure vanité semblait être parvenue à lui faire recouvrer sa sérénité, lui faire oublier qu'un instant auparavant, il s'était sentit prit au piège par les azurites éclairant le regard du jeune homme duquel il lâchait lentement le poignet.

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